dans l’atopie

On ne parlait pas leur langue, on a donc plaqué la paume au sol pour écouter leurs pieds. L’air bouillonnait rouge, peu à peu on a saisi des bribes, quelques syllabes écrites en pointillés. On les a fixées par lumière au ras du monde.

Trois soirs plus tard l’un nous racontait le sublime des cimes et des éclats de foudre, l’autre la béance du feu, l’autre encore patinait le sol, le martelait pour condenser les strates de mémoire et leur donner le luisant obscur des idées.

J’avançais un peu hébété dans la mollesse de l’air, toi tu cherchais au sol une couronne tombée aux feuilles d’or, celles rondes dont on couvre la nuit les pupilles pour mieux voir et sauter. J’avais un œil brûlé mais je les regardai de biais danser dans l’atopie. Tu allais nostalgique moirer le ciel ou déchirer quelques derniers plis du jour. Le temps a reflué, un colosse sombre entaillait l’horizon.

Leurs murmures ont conspiré une nékyia très ordinaire, celle des nuits passées qu’ils pleurent  maintenant sans y penser vraiment. Et tu te glissais entre eux pour les rassembler, pour relier leurs tendons en une grande nuit tendre qui palpitait.

Posant à mon tour le pied, je me suis souvenu des déserts dont la matière s’épanche comme eux ce soir. Et des petits buveurs de brume au ras du sol.

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